Pris à contre-pied tel est le sentiment qu’ont les responsables de la Cedeao au regard de l’évolution de la situation au Niger. La junte au pouvoir, sans doute coacher par ses amis – elle en a quelques-uns aguerris – a pris sur elle d’établir un calendrier de transition. Écartant de ce fait un retour de Bazoum au pouvoir et abordant le calendrier d’une transition pour un délai de 03 ans. On peut selon l’endroit où l’on se trouve, spéculer sur la légitimité de ce pouvoir et de ses décisions. Mais on retiendra que le dernier mot, le seul, vient des aspirations du peuple nigérien, et aux dernières nouvelles, celui-ci semble bien s’accommoder de ce qui se passe.
À partir de ce moment, la Cedeao devrait rebattre ses cartes et laisser place au dialogue pour accompagner le processus enclenché. Les menaces d’interventions militaires, les sanctions économiques, ne peuvent et ne pourraient que desservir la cause de l’organisation qui est avant tout une institution à vocation économique. Dès lors, ce qu’il faut retenir, c’est que la suspension des relations avec le Niger, la fermeture des frontières et toutes ces mesures, ne peuvent qu’aggraver la souffrance des populations.
Rappelons que le Niger est officiellement l’un des pays les plus pauvres au monde. Son statut avec ou sans le putsch reste le même. Lui imposer des sanctions comme c’est actuellement le cas, c’est précipiter les populations dans davantage de misères. Pis, à bien voir, lesdites sanctions ne touchent pas que le Niger. Il en résulte des impacts collatéraux dans les pays voisins. Le Bénin, bon élève de la Cedeao, paie déjà les frais de la fermeture de ses frontières d’avec le Niger. Depuis le 30 juillet dernier, le choix d’obéir à l’exécution des mesures restrictives contre le pays voisin a été ressenti jusqu’à Cotonou dans la capitale économique du Bénin qui abrite le port naturel du Niger. La quasi-totalité de l’activité est au ralenti. Aux frontières respectives de ces 02 pays, ce sont des files kilométriques de camions à l’arrêt, transportant des denrées et équipements dans les deux sens qui sont signalées, avec les conséquences incalculables que l’on peut imaginer pour l’économie des deux pays. Pourquoi continuer à mettre la pression sur les putschistes alors que ces derniers ne seront touchés qu’en dernière position. Si dans les premières heures l’usage de la force pour les faire partir était une option viable, continuer de vouloir en faire une solution, après l’évolution de la situation n’est plus raisonnable. S’entêter dans cette voie reviendrait à envisager de faire plus de dommages que raisonnable.
Désormais, il va de soi que la négociation est la seule option qui présente les garanties de réussite effective. Dans ce round, il serait encore possible pour ceux qui y tiennent, de récupérer Bazoum et sa famille vivants. Après tout, même si c’est déplorable, la Cedeao n’en serait pas au premier coup d’Etat perpétré en son sein. Elle gagnerait à transformer ce dialogue de sourds qui dure depuis quelques semaines entre les militaires qui contrôlent le palais de Niamey et elle, en concertations intelligentes. Et pour éviter plus d’humiliations, taire le discours belliciste d’Alassane Dramane Ouattara et autres faucons, pour faire place aux Colombes. Après tout, si le peuple souverain du Niger ne voit pas d’inconvénient à être conduit par des militaires pourquoi d’autres devraient s’en faire en leur lieu et place ? D’ailleurs, ils ne sont pas les seuls dans l’espace à s’accommoder d’hommes en armes à la tête de leur pays. Le temps qui est un juge implacable nous dira si ce choix était le meilleur. Pour l’instant, il urge de lever les mesures restrictives contre ce pays frère avec lequel nous avons une communauté de destin.
Eric TCHIAKPE – Écrivain
Matin Libre