(Un examen minutieux des dossiers s’impose…)
Dans l’affaire Atao-« Faux médicaments » qui défraie la chronique depuis peu au Bénin, les responsabilités sont à situer à plusieurs niveaux. Mais aux yeux de plusieurs observateurs, les vrais coupables dans cette affaire semblent ne pas être encore inquiétés…
Voilà une affaire qui commence à défrayer la chronique ! Tous les Directeurs Généraux des grossistes-répartiteurs pharmaceutiques béninois sont en prison depuis le 20 février. Ils sont collectivement mis en cause dans l’affaire dite des « faux médicaments » et ont comparu le 6 mars dernier au Tribunal de première instance de Cotonou. Au terme de l’audience, le Ministère public a eu la main particulièrement lourde et sans distinction. Il a collectivement requis contre eux 50 millions de Francs CFA chacun et une peine d’emprisonnement de 5 ans ferme. Après déjà plus de 3 semaines passées en prison, les grossistes répartiteurs seront fixés sur leur sort lors de la prochaine audience prévue demain, mardi 13 mars. Un tel dossier mérite un décryptage.
Les prévenus sont soupçonnés d’avoir importé et vendu illégalement les produits d’un laboratoire d’origine indienne, « New Cesamex ». L’origine de ces soupçons remonte à la découverte, lors de la saisie le 8 décembre 2017 au domicile du député Mohammed Atao, d’un stock de ce laboratoire parmi plusieurs tonnes d’autres produits présumés falsifiés ou toxiques.
Mais selon une source proche de l’enquête, contrairement à ces produits présumés falsifiés ou toxiques découverts lors de cette saisie, les médicaments New Cesamex bénéficient bien d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par la Direction de la pharmacie et du médicament (DPMED). Par ailleurs, dans le cadre de leur mission de service publique, ces grossistes-répartiteurs ont l’obligation de stocker et de livrer aux pharmacies tous les produits pharmaceutiques (environ 4 000 références) faisant l’objet d’une telle autorisation de mise sur le marché délivrée par les autorités sanitaires du Bénin. À ce jour, les autorités n’ont d’ailleurs pas suspendu l’autorisation de vente des produits du laboratoire New Cesamex, ni organisé le retrait de ces produits des stocks existants chez les pharmaciens et chez les grossistes. Autrement dit, voilà des professionnels qui n’ont fait que leur travail, mais qui se retrouvent en prison !
En revanche, si l’origine ou les conditions d’approvisionnement de ces produits présentaient un risque sanitaire pour les béninois, il serait en effet urgent de retirer ces produits du marché. Et en prenant cette décision, les autorités sanitaires libéreraient également tous les grossistes répartiteurs de l’obligation de stocker et de livrer les pharmacies. A ce jour cette décision n’a pas été prise.
On reproche aussi aux grossistes d’avoir commandé les produits New Cesamex non pas directement au laboratoire indien, mais par l’intermédiaire de sociétés d’importation non habilitées par les autorités, dont celle appartenant au député Atao. Les grossistes interrogés affirment à l’inverse que la totalité de leurs commandes ont été passées directement à la filiale de New Cesamex installée à Kinshasa, en République démocratique du Congo, responsable de l’acheminement et de la livraison au Bénin. Autrement dit, si ces médicaments ont transité dans les entrepôts de l’importateur « clandestin » Atao, c’est de la responsabilité de New Cesamex et non des grossistes – répartiteurs. On peut évidemment envisager des poursuites judiciaires contre le laboratoire ou ses éventuels représentants officiels au Bénin.
Sur ce point précis des conditions de commandes, il n’est pas possible à ce jour de comprendre la procédure collective engagée contre tous les grossistes, selon une source de la rédaction. Si le Procureur pense que certains grossistes ont engagé leur responsabilité juridique dans cette chaine d’approvisionnement et d’importation, en « pactisant » avec Atao, cela peut et doit être vérifié de manière individuelle. Il faut impérativement distinguer les cas, et donner à chacun un accès aux chefs d’accusation individuels, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à aujourd’hui. La gravité des peines encourues impose une rigueur extrême dans la procédure.
Mais le plus dommageable dans cette histoire est l’installation d’un écran de fumée qui, derrière l’instruction à charge contre des grossistes qui ont pignon sur rue, masque le sujet essentiel de la lutte contre le fléau des faux médicaments au Bénin et plus globalement en Afrique. Il n’est pas exclu que le député Atao soit dans ces trafics, mais l’amalgame et la confusion entretenus par cette procédure risque d’endommager ou de détruire le seul circuit d’approvisionnement contrôlé et contrôlable constitué par les grossistes-répartiteurs et les pharmaciens. En clair, les vrais coupables ne sont pas en prison !
Mike MAHOUNA