La décision DCC 18-075 du 15 mars 2018 ressuscite le débat sur la non désignation des représentants du parlement au sein du COS Lepi. C’est suite à des recours adressés à la haute juridiction par Serge Roberto Prince Agbodjan, Dognon Carlos AbdonTognon et Mahugnon Rock Akoha, que la cour constitutionnelle condamne la violation de la constitution du 11 décembre 1990 par le président de l’Assemblée Nationale et la majorité des députés. En effet, les trois recours ont été formulés contre le Président de l’Assemblée nationale pour violation de la décision DCC 17-262 rendue par la Cour constitutionnelle, le 12 décembre 2017. Après analyse des faits et après en avoir statué, la haute juridiction par sa décision DCC 18-075 du 15 mars 2018 en son article premier, stipule que les députés présents à la séance parlementaire du 21 décembre 2017, à l’exception de l’honorable Nourénou ATCHADE, ont violé l’article 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution. La même décision condamne le Président de l’Assemblée nationale pour avoirviolé les articles 124 alinéas 2 et 3, 34 et 35 de la Constitution. Il convient de dire que la non installation des membres du parlement au sein du Cos Lépi continue de susciter la polémique et mérite une attention particulière du pouvoir législatif.
DECISION DCC 18-075 DU 15 MARS 2018
La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 26 décembre 2017 enregistrée à son secrétariat le 27 décembre 2017 sous le numéro 2133/360/REC, par laquelle Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN forme un recours contre le Président de l’Assemblée nationale pour violation de la décision DCC 17-262 rendue par la Cour constitutionnelle le 12 décembre 2017 ;
Saisie d’une autre requête du 19 janvier 2018 enregistrée à son secrétariat le 22 janvier 2018 sous le numéro 0135/033/REC, par laquelle Monsieur Dognon Carlos Abdon TOGNON forme un recours aux mêmes fins ;
Saisie d’une troisième requête du 26 janvier 2018 enregistrée à son secrétariat le 29 janvier 2018 sous le numéro 0188/039/REC, par laquelle Monsieur Mahugnon Rock AKOHA forme un recours dans le même sens ;
VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;
VU la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Messieurs Bernard Dossou DEGBOE, Akibou
IBRAHIM G. et le Professeur Théodore HOLO en leur rapport ;
Après en avoir délibéré,
CONTENU DES RECOURS
Considérant que Monsieur Serge Roberto PRINCE-AGBODJAN expose : «…Par sa décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017, la Cour constitutionnelle dans l’exercice de son pouvoir de régulation prévu par l’article 114 de la Constitution… a dit et jugé que :
– « l’Assemblée nationale doit procéder à la désignation de ses représentants au sein du COS-LEPI, à savoir : cinq (05) représentants de la majorité parlementaire et quatre (04) représentants de l’opposition parlementaire au plus tard, le jeudi 21 décembre 2017 ;
– le COS-LEPI doit être installé au plus tard le 29 décembre 2017 par la Cour constitutionnelle ;
– par ailleurs, disposant de six (06) mois pour l’actualisation de la LEPI, le COS-LEPI doit achever ses travaux au plus tard le 30 juin 2018 ».
En application de cette décision, l’Assemblée nationale devrait procéder à la désignation de ses représentants au sein du COS-LEPI, à savoir : cinq (05) représentants de la majorité parlementaire et quatre (04) représentants de l’opposition parlementaire, au plus tard, le jeudi 21 décembre 2017.
Mais, force est de constater qu’après la notification de cette décision à l’Assemblée nationale, le Président de l’Assemblée nationale n’a pas cru devoir convoquer l’Assemblée nationale pour se conformer à cette décision. Mais, lorsqu’il a plu au Président de l’Assemblée nationale de le faire des jours après cette notification, il a transmis cette décision à la commission des lois sans évoquer aucune urgence de la prise en compte de cette décision, alors que l’assemblée plénière n’a pu se tenir que le jour même où le délai imparti par la Cour constitutionnelle devrait arriver à son terme. Pensant qu’il allait se rattraper, le président n’a même pas pu demander le point de l’évolution du dossier en commission. La plénière du 26 décembre 2017 n’a pas pu aborder le sujet et n’a même pas pu en parler un seul instant.
Ce comportement est un mépris de la Constitution…étant entendu qu’en matière de régulation, aucune juridiction ou institution ne pourra imposer sa pratique face à une décision de la Cour constitutionnelle en matière de décision d’injonction prévue par l’article 114 de la Constitution…
Une décision de la Cour, notamment une décision indiquant une injonction avec délai à une institution, devrait être exécutée prioritairement et avec la diligence qu’impose l’article 34 de la loi organique de la Cour constitutionnelle qui dispose que « Conformément à l’article 124 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.
Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles.
Elles doivent en conséquence être exécutées avec la diligence nécessaire ».
La décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 devrait être exécutée en ce qui concerne la désignation des membres de la minorité et de la majorité parlementaires le jeudi 21 décembre 2017 comme l’indique la Cour constitutionnelle dans sa décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 qui est revêtue de l’autorité de la chose jugée.
Ne pas le faire constitue une violation flagrante de l’article 124 de la Constitution qui dispose qu’ »Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.
Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles ».
En application de l’article 3 de la Constitution, « La souveraineté nationale appartient au Peuple. Aucune fraction du Peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association politique, aucune organisation syndicale ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
La souveraineté s’exerce conformément à la présente Constitution qui est la Loi suprême de l’Etat.
Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces dispositions sont nuls et non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels ». Il ressort de cette disposition que toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires aux dispositions contenues dans la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 de la Cour sont nuls et non avenus.
Sur la base de cette disposition de notre Loi fondamentale, nous demandons à la Cour constitutionnelle de déclarer nulles et non avenues à la Constitution…, toutes les délibérations, notamment les lois adoptées par l’Assemblée nationale sans se conformer aux dispositions pertinentes prévues par la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 qui est prioritaire.
Dès lors que cette décision a fixé un délai, l’Assemblée nationale devrait en tenir compte en priorité avant toutes les délibérations. Ne pas le faire constate de fait la nullité de toutes les délibérations faites en dehors de l’application de cette décision.
Par ailleurs, nous demandons également à la Cour constitutionnelle de constater que le Président de l’Assemblée nationale a violé les articles 34 et 35 de la Constitution en se comportant comme il l’a fait.
Usant de ses prérogatives constitutionnelles… »d’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics », nous demandons à la haute Juridiction d’enjoindre au représentant du groupe de la majorité parlementaire de transmettre à la Cour la liste des cinq membres pour l’installation diligente des membres du COS-LEPI.
Passé un délai que la Cour constitutionnelle aurait fixé, la haute Juridiction attribuera d’office les cinq (5) places au groupe minoritaire pour la poursuite du processus » ;
Considérant que de son côté, Monsieur Dognon Carlos Abdon TOGNON écrit : «…Par sa décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017, la Cour constitutionnelle a prescrit à l’Assemblée nationale de procéder, au plus tard le 21 décembre 2017, à la désignation de ses représentants au sein du Conseil d’orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée (COS-LEPI). Cette décision a été notifiée au Président de l’Assemblée nationale.
Avant le délai fixé à l’Assemblée nationale, certains députés de la majorité sont montés au créneau pour critiquer ouvertement la décision de la Cour et préparer l’opinion publique à sa violation.
Alors que le Président de l’Assemblée nationale a la possibilité de se conformer à la décision de la Cour les 15, 18 ou le 19 décembre 2017, il a préféré enrôler la question à la plénière du jeudi 21 décembre 2017, date où expirait l’ultimatum donné à son institution par la haute Juridiction.
Avant l’ouverture de la plénière, un député de l’opposition a formulé une demande d’examen en procédure d’urgence de la désignation des représentants de l’Assemblée nationale au COS-LEPI. Le président a soumis cette demande au vote en plénière. Faute d’une manifestation de dix députés en faveur de l’examen de cette demande en procédure d’urgence, il a affecté le dossier à la commission des lois en lui disant « vous êtes saisis du dossier. Vous nous déposerez votre rapport quand vous le pourrez, quand cela sera prêt »…
La procédure suivie par le Président de l’Assemblée nationale viole les dispositions de l’article 78 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ledit article dispose que « La discussion immédiate d’un projet de loi, d’une proposition de loi, ou d’une proposition de résolution peut être demandée par le gouvernement ou par dix députés au moins.
L’Assemblée nationale statue et se prononce sur l’opportunité de la discussion immédiate à main levée et sans débat ». Il en résulte que cet article impose au Président de l’Assemblée nationale de soumettre la demande en discussion immédiate au vote de la plénière au lieu de rechercher un quelconque vote de dix députés. Les dix députés sont exigés pour l’introduction de la demande et non pour son examen en plénière. Le Président de l’Assemblée nationale devrait soumettre la question au vote et y recueillir le vote de tous les députés.
Dans la même logique de la flagrance de la violation du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, et sous prétexte qu’il a outragé les Institutions de la République, le Président de ladite Assemblée, en violation des pouvoirs de police que lui confère l’article 42 du règlement intérieur, a interrompu à plusieurs reprises le député Guy MITOKPE dans la lecture d’une déclaration pour le compte de son groupe avant de le suspendre carrément pour empêcher la lecture de ladite déclaration.
Pourtant, à l’occasion de cette séance, le ministre de l’Economie et des Finances a laissé entendre qu’avec le temps « les députés de l’opposition vont revenir à la raison ».
Si de tels propos ne sont pas constitutifs d’outrage, ceux contenus dans les quelques phrases lues par le député MITOKPE, sauf abus de fonction, ne peuvent être qualifiés d’outrage au Président de la République ou à l’Assemblée nationale. Et même si outrage il y a, ces propos étant tenus à l’hémicycle, sont couverts par l’immunité parlementaire.
Par ailleurs, l’outrage d’un député à l’égard du Président de la République est régi par l’article 63 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. En clair, soucieux, d’une part, de violer la décision de la Cour constitutionnelle, d’autre part, d’imposer au peuple la liste électorale issue du Recensement administratif à vocation d’identification de la population (RAVIP), le Président de l’Assemblée nationale a fait une gestion inique et partisane de la police des débats, lors de la séance du 21 décembre 2017. Il en résulte la violation de la décision DCC17-262 du 12 décembre 2017, ainsi que celle des articles 42, 63, 78 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, 34, 35, 124 de la Constitution et 34 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle » ; qu’il conclut : « Afin que force reste aux décisions de la Cour constitutionnelle et aux lois de la République, je vous prie de bien vouloir :
-…déclarer…contraires à la Constitution, la non convocation à temps de la plénière par son président afin que celle-ci se conforme à la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 et la gestion partiale des débats parlementaires de la séance du jeudi 21 décembre 2017, pour violation des articles 42, 63, 78 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, 34, 35, 124 de la Constitution et 34 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle.
– valider la désignation faite par la minorité parlementaire de ses représentants et suppléer à la carence de la majorité parlementaire en désignant d’autorité cinq députés de ladite majorité pour représenter l’Assemblée nationale au sein du COS-LEPI » ;
Considérant que Monsieur Rock Mahugnon AKOHA, quant à lui, après avoir rappelé les mêmes faits, ajoute : « …La haute Juridiction doit constater le manque de loyauté du Président de l’Assemblée nationale dans l’accomplissement de sa mission en tant que garant de l’Institution parlementaire… et son refus de respecter et de faire exécuter une décision constitutionnelle ayant acquis l’autorité de la chose jugée…
…La haute Juridiction a souvent rappelé que l’autorité de la chose jugée en matière constitutionnelle est une exigence, un principe à valeur constitutionnelle qui interdit de mettre en cause les décisions juridictionnelles ou de faire obstacle à leur exécution.
…La Cour constitutionnelle s’est prononcée en faveur de la double portée du principe de l’autorité de la chose jugée dans sa décision DCC 05-028 du 31 mars 2005 qu’elle a rappelée à l’occasion de sa décision DCC 06-016 du 31 janvier 2006 en précisant que l’autorité de la chose jugée qu’elle attache à ses propres décisions « Impose à l’administration une double obligation, à savoir, d’une part, l’obligation de prendre toutes les mesures pour exécuter la décision juridictionnelle et, d’autre part, l’obligation de ne rien faire qui soit en contradiction avec ladite décision ». …Se montrant davantage exigeante par rapport à l’autorité qu’elle confère à ses propres décisions (DCC 06-073 du 21 juin 2006), elle impose aux destinataires de ses décisions une obligation de résultat : « …Celle d’exécuter la décision avec la diligence nécessaire » ; qu’il développe : « en l’espèce, la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 a été notifiée à l’Assemblée nationale le 14 décembre 2017 (notamment au secrétariat particulier du Président de l’Assemblée nationale) et, ayant pris connaissance de la notification le lendemain 15 décembre, le Président de l’Assemblée nationale aurait immédiatement instruit le secrétaire général d’inscrire la correspondance et la décision de la Cour au dossier des communications à la prochaine plénière fixée et programmée précisément pour le 21 décembre 2017 (selon le communiqué du secrétariat général administratif du 12 janvier 2018).
…Pour véritablement prouver sa bonne foi dans l’exécution immédiate et diligente de cette décision, le Président de l’Assemblée nationale aurait pu convoquer d’urgence la commission des lois pour lui affecter le dossier pour étude et rapport (article 74-8 RI) et la conférence des présidents pour son autorisation d’inscription dudit dossier à l’ordre du jour de la prochaine plénière (article 38 du règlement intérieur), entre la période du 15 au 20 décembre 2017, vu l’urgence, en vue de la désignation des membres du COS-LEPI à cette séance plénière précédemment programmée pour le 21 décembre 2017, date précisément à laquelle, la haute Juridiction a exigé que lesdits membres soient impérativement désignés.
…En application de l’article 124 alinéa 2 de la Constitution…, la décision du juge constitutionnel s’impose à tout le monde ainsi qu’au Parlement et à son Président.
…Le Président de l’Assemblée nationale aurait dû faire diligemment exécuter cette décision du juge constitutionnel, non seulement, en lui donnant application, mais aussi, en tirant toutes les conséquences de droit et de fait qui y sont attachées, étant donné que les décisions constitutionnelles sont revêtues de l’autorité de la chose jugée. …Grande a été la surprise de constater que, c’est à cette séance plénière du 21 décembre 2017, date décisive, que le Président de l’Assemblée nationale a choisi de confier le dossier à la commission des lois pour étude et rapport.
…Plus grave encore, à cette même séance plénière, le Président de l’Assemblée nationale a demandé au président de la commission des lois « DE PRENDRE TOUT SON TEMPS » pour étudier et faire le rapport dudit dossier, ce qui démontre que le Président de l’Assemblée nationale a volontairement choisi de bloquer la mise à exécution de la décision de la Cour constitutionnelle qui, pourtant s’impose à tous.
…Ce mépris du Président de l’Assemblée nationale pour l’autorité de la chose jugée en matière constitutionnelle est d’autant plus manifeste et démontre à suffisance la manière dont le dossier a été traité pour aboutir à la non désignation des membres du COS-LEPI à ce jour.
…En agissant ainsi, l’Assemblée nationale et particulièrement son Président contrarient violemment l’autorité de la chose jugée attachée à la décision de la Cour constitutionnelle, violant ainsi la Constitution en son article 124 alinéa 2. » ; qu’il ajoute : « …En outre, …le Président de l’Assemblée nationale a clôturé, le mardi 23 janvier 2018, la deuxième session ordinaire de l’année 2017 sans que l’Assemblée nationale n’ait désigné les membres du COS-LEPI comme le veulent les textes qui encadrent les élections dans notre pays et l’injonction de la Cour constitutionnelle dans sa décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017. …Ce faisant, il est désormais clair dans la tête de tous les Béninois que le Président de l’Assemblée nationale et les députés du bloc de la majorité parlementaire ont volontairement et délibérément choisi de conduire notre pays vers une crise institutionnelle. …Le Président de l’Assemblée nationale et les députés du bloc de la majorité parlementaire ont volontairement et gravement défié l’injonction de la Cour constitutionnelle… Ainsi, la haute Juridiction doit constater que cette défiance constitue une éclatante démonstration du démantèlement méthodique de la force exécutoire de la régulation de la Cour constitutionnelle.
…A plusieurs reprises, dans ses décisions, la haute Juridiction a…fait injonction aux députés. …Après avoir déclaré contraires à la Constitution la procédure de désignation des représentants de l’Assemblée nationale pour siéger à la haute Cour de Justice et le choix des députés appelés à représenter l’Assemblée nationale en tant que corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres Institutions de l’État, la Cour a jugé dans sa décision DCC 09-002 du 08 janvier 2009 que cette « désignation doit être effective le 15 janvier 2009 au plus tard ». …Ensuite, par sa décision DCC 09- 057 du 11 avril 2009, la Cour a jugé que « la tendance majoritaire de l’Assemblée nationale est tenue de proposer à l’élection trois (3) députés devant siéger à la haute Cour de Justice au plus tard le mercredi 06 mai 2009 ».
…Egalement, en matière électorale, sur saisine du Président de l’Assemblée nationale suite aux difficultés de mise en œuvre de la décision EP 11-006 du 14 février 2011 en raison de l’opposition organisée par les députés, la Cour, par sa décision EP 11-014 du 22 février 2011, a dit et jugé : « Le Président de l’Assemblée nationale désignera d’office et chaque fois que nécessaire, un député pour assurer les fonctions de secrétaire parlementaire, de même, il transmettra d’office à la CENA la liste des personnes devant siéger dans les Commissions électorales communales (CEC) et dans les Commissions électorales d’arrondissement (CEA) telle qu’arrêtée par les groupes parlementaires disponibles ; que la CENA procèdera sans délai à l’installation de ces structures décentralisées ». …Enfin, la Cour a enjoint aux députés de reprendre « impérativement » le vote du budget de l’État exercice 2014, le 31 décembre 2013 (DCC 13-171 du 30 décembre 2013) » ; qu’il fait observer : « …La Cour ne fait qu’exercer la plénitude de ses prérogatives en toute responsabilité, en rappelant les organes à l’exercice de leurs prérogatives constitutionnelles, ce qui participe de la régulation qui est une constante de la jurisprudence de la Cour. …Etant donné que toute décision constitutionnelle met à la charge des autorités administratives, « d’une part, l’obligation de prendre toutes les mesures pour exécuter la décision juridictionnelle, d’autre part, l’obligation de ne rien faire qui soit en contradiction avec ladite décision, et enfin, celle d’exécuter la décision avec la diligence nécessaire »(DCC 06-073 du 21 juin 2006)…, le juge constitutionnel pourra constater que le mépris affiché par le Président de l’Assemblée nationale à l’égard de notre souveraine Constitution en choisissant de braver l’autorité de la chose jugée, constitue une violation de l’article 124 alinéa 2 de la Constitution » ;
Considérant qu’il poursuit : « Sur le manque de loyauté du Président de l’Assemblée nationale dans l’accomplissement de sa mission parlementaire.
…Aux termes des dispositions de 1’article 35 de la Constitution… : « Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun ». Cette disposition impose aux citoyens investis d’une fonction publique ou d’une charge élective un code de bonne conduite qui en appelle à leur dévouement et à leur loyauté dans l’accomplissement des charges et fonctions républicaines qui leur sont confiées afin que l’État de droit…concoure au bien-être de tous. …Cette exigence de loyauté et de dévouement dans l’accomplissement des charges et fonctions républicaines doit emporter la conviction selon laquelle les pouvoirs conférés dans l’exercice de ces charges et fonctions n’ont qu’un seul but : servir l’intérêt général. …Il s’ensuit que les privilèges qui sont liés à ces charges et fonctions ne peuvent s’exercer dans le mépris des obligations constitutionnelles mises à la charge des citoyens qui en sont investis sans que cela ne constitue un manque de loyauté et de dévouement dans l’accomplissement des charges et fonctions républicaines sus mentionnées. …Les obligations constitutionnelles imposées au Président de l’Assemblée nationale ont, non seulement, pour source la jurisprudence constitutionnelle (DCC 06-073 du 21 juin 2006), mais aussi…des dispositions précises de la Constitution qui le responsabilisent en tant que première autorité de l’Assemblée nationale.
…L’attitude du Président de l’Assemblée nationale par rapport à la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017, en ce qu’il n’a pas pris toutes les mesures pour exécuter cette décision avec la diligence nécessaire, est en contradiction avec l’article 35 de la Constitution pour manque de dévouement et de loyauté dans l’accomplissement des fonctions publiques ou charges électives qui sont les siennes. Ainsi, le juge constitutionnel doit tirer toutes les conséquences possibles de cette attitude…comme d’ailleurs il est déjà arrivé à la haute Juridiction de se prononcer dans la décision DCC 06-052 du 19 avril 2006… » ; qu’il demande à la haute Juridiction de : « – dire et juger inconstitutionnel l’acte du Président de l’Assemblée nationale, pour avoir manqué de mettre en application, avec la « diligence nécessaire », la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 telle que rappelée par la haute Juridiction dans plusieurs de ses décisions ;
– dire et juger que le Président de l’Assemblée nationale et les députés du bloc de la majorité parlementaire ont volontairement et gravement défié l’injonction de la Cour constitutionnelle pour avoir clôturé la session ordinaire en cours le 23 janvier 2017, soit, plus de quarante (40) jours après la décision de la haute Juridiction, sans désigner leurs représentants dans le COS-LEPI, violant ainsi l’autorité de la chose jugée que revêt désormais la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 ;
– dire et juger que le Président de l’Assemblée nationale a violé l’article 35 de la Constitution » ;
INSTRUCTION DES RECOURS
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction diligentée par la Cour, le Président de l’Assemblée nationale, Maître Adrien HOUNGBEDJI, écrit : « … Le 14 décembre 2017, mon secrétariat particulier a reçu notification d’une décision DCC 12-262 du 12 décembre 2017 de la Cour constitutionnelle enjoignant à l’Assemblée nationale de désigner au plus tard le 21 décembre 2017 ses membres au sein du COS-LEPI.
Ayant pris connaissance de la notification le lendemain 15 décembre, le Président de l’Assemblée nationale a immédiatement instruit le secrétaire général d’inscrire la correspondance et la décision de la Cour au dossier des communications de la plus prochaine plénière fixée et programmée précisément pour le 21 décembre 2017.
A cette séance, à la lecture de la communication, le Président de l’Assemblée nationale a affecté le dossier à la commission des lois … pour étude et rapport. En effet, aux termes de l’article 48-2 du règlement intérieur, « aucune affaire ne peut être soumise aux délibérations de l’Assemblée nationale sans avoir, au préalable, fait l’objet d’un rapport écrit (ou verbal en cas de discussion immédiate) de la Commission compétente au fond ».
A cet instant, le député Nourenou ATCHADE a demandé un examen en procédure d’urgence. Aux termes de l’article 78 alinéa 1 du règlement intérieur, la procédure d’urgence (ou discussion immédiate), pour être prise en considération, doit être demandée par dix (10) députés au moins. (Prise en considération, la demande doit être ensuite soumise au vote de la plénière qui statue et se prononce sur l’opportunité de la procédure d’urgence : article 78 alinéa 2).
Le Président de l’Assemblée nationale a fait constater que l’honorable ATCHADE est le seul député à demander la procédure d’urgence, aucun autre député ne s’étant associé à sa demande : celle-ci ne pouvait donc ni être prise en considération ni soumise au vote.
Dans ces conditions, le Président de l’Assemblée nationale n’a pu que poursuivre la procédure ordinaire : le dossier est donc resté confié à la commission des lois pour étude et rapport suivant la procédure ordinaire. Le président ne pouvait donc pas faire désigner les représentants de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2017. A l’impossible nul n’est tenu.
Au demeurant, cette désignation n’est pas de son ressort, mais du ressort de la plénière sur rapport de la commission saisie au fond.
Aux dernières nouvelles, la commission est à pied d’oeuvre. Le président ne peut qu’attendre le dépôt de son rapport, car, il n’a pas pouvoir pour dicter à la commission la date de dépôt de son rapport.
Le Président de l’Assemblée nationale est donc surpris par le contenu de la requête de Monsieur AGBODJAN qui lui fait grief de n’avoir pas exécuté la décision avec diligence, alors que, dans les 24 heures où il a reçu notification, il a instruit le secrétaire général administratif de l’inscrire au dossier de communication de la prochaine plénière et à cette plénière, il a épuisé sa compétence en saisissant la commission des lois. Il ne pouvait rien faire d’autre que d’attendre le rapport de la commission.
De mon point de vue profane, la requête de Monsieur AGBODJAN s’apparente à une procédure téméraire et à une dénonciation calomnieuse qui s’ajoute à la cabale et au lynchage médiatique dont je suis l’objet depuis plusieurs semaines pour avoir agi dans le respect des textes qui régissent l’Institution parlementaire… » ;
ANALYSE DES RECOURS
Considérant que les trois (03) recours sous examen portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
Sur la violation de l’autorité de la chose jugée attachée à la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 de la Cour Considérant qu’aux termes de l’article 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution : « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles » ; que l’article 34 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle précise qu’« …Elles doivent en conséquence être exécutées avec la diligence nécessaire » ; qu’il en résulte que les décisions de la Cour constitutionnelle sont revêtues de l’autorité de la chose jugée ; que de jurisprudence constante de la Cour, cette autorité de la chose jugée impose à l’Administration une double obligation, à savoir, d’une part, l’obligation de prendre toutes les mesures pour exécuter la décision juridictionnelle, d’autre part, l’obligation de ne rien faire qui soit en contradiction avec ladite décision ;
Considérant que dans sa décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017, la Cour a dit et jugé : « L’Assemblée nationale doit procéder à la désignation de ses représentants au sein du COS-LEPI, à savoir : cinq (05) représentants de la majorité parlementaire et quatre (04) représentants de l’opposition parlementaire au plus tard, le jeudi 21 décembre 2017 » ; que cette décision a été notifiée au secrétariat administratif de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2017 qui l’a notifiée au secrétariat particulier du Président de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2017 ; que le Président de l’Assemblée nationale qui, aux termes de l’article 42 du règlement intérieur de l’Institution, « dirige les débats, donne la parole, met les questions aux voix, proclame les résultats des votes, fait observer le règlement intérieur et maintient l’ordre » au sein de l’Institution, en somme, conduit l’Assemblée nationale, affirme avoir pris connaissance de ladite décision le 15 décembre 2017 ; que cependant, bien qu’ayant pris connaissance de cette décision, il n’a pas fait diligence tel que l’y invite l’article 34 suscité de la loi organique sur la Cour constitutionnelle pour la faire exécuter ; qu’en effet, le délai imparti à la représentation nationale pour procéder à la désignation de ses représentants au sein du COS-LEPI s’est écoulé sans que cette dernière ne l’ait fait ; que le Président de l’Assemblée nationale justifie son attitude par sa volonté de respecter le règlement intérieur de son Institution qui exige en son article 78 que la procédure d’urgence ne puisse être mise en œuvre que si elle est sollicitée par 10 députés au moins, ce qui n’a pas été le cas ;
Considérant que les décisions de la Cour devant être exécutées avec la diligence nécessaire, conformément à l’article 34 précité de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, l’exécution de la décision DCC 17-262 du 17 décembre 2017 de la Cour nécessitait la mise en œuvre de la procédure d’urgence ; qu’ainsi, au nom de la force obligatoire rattachée aux décisions de la Cour, la question de la mise en œuvre de la procédure d’urgence pour l’exécution de la décision en cause n’était plus à discuter au sein du Parlement ; que cette procédure devrait s’imposer à la représentation nationale ; que n’ayant pas procédé ainsi, il y a lieu pour la Cour de constater que l’Assemblée nationale a délibérément décidé de ne pas se conformer à la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 ; que dès lors, il échet pour elle de dire et juger que la représentation nationale, notamment les députés présents à la séance parlementaire du 21 décembre 2017, à l’exception du député Nourénou ATCHADE qui a requis sans succès la procédure d’urgence, a violé l’article 124 alinéas 2 et 3 sus-cité de la Constitution ;
Considérant que de même, le Président de l’Assemblée nationale, malgré la décision de la Cour dont les termes ne laissent aucun doute sur la célérité qu’elle appelle pour son exécution, en offrant la latitude aux députés de décider du choix de la procédure à mettre en œuvre pour son exécution, a violé la même disposition ; que par ailleurs, la volonté du Président de l’Assemblée nationale de ne pas se soumettre à la décision de la Cour est encore plus manifeste lorsqu’il apparaît, aux termes du compte-rendu intégral des débats parlementaires du 21 décembre 2017, qu’en affectant le dossier au président de la commission des lois, il a fait savoir à ce dernier : « Monsieur le Président de la commission, vous êtes saisi du dossier. Vous nous déposerez votre rapport quand vous le pourrez, quand cela sera prêt. Voilà ! Nous sommes d’accord ? », alors même que le délai imparti à l’Assemblée nationale pour s’exécuter arrivait à son terme ; qu’en agissant tel qu’il l’a fait, le Président de l’Assemblée nationale a violé, non seulement, l’article 124 alinéas 2 et 3 sus-cité de la Constitution, mais aussi, les articles 34 et 35 de la Constitution aux termes desquels : « Tout citoyen béninois, civil ou militaire, a le devoir sacré de respecter en toutes circonstances, la Constitution et l’ordre constitutionnel établi ainsi que les lois et règlements de la République » ; « Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun » ;
Considérant qu’en outre, il ressort de l’article 77 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale que « Conformément aux dispositions de l’article 48.2 du…règlement intérieur, la discussion immédiate d’un projet de loi ou d’une proposition de résolution est de droit, lorsqu’elle est demandée par la Commission saisie au fond, après présentation de son rapport » ; qu’ainsi, il était possible pour la commission des lois, vu la célérité qu’appelait l’exécution de la décision susvisée de la Cour, de déposer immédiatement son rapport et de solliciter la discussion immédiate, ce qui lui aurait été de droit accordé ; que ne l’ayant pas fait, elle a aussi violé la force de chose jugée attachée à la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 ainsi que l’article 35 sus-cité de la Constitution ;
Sur le grief tiré de la gestion inique et partisane de la police des débats par le Président de l’Assemblée nationale.
Considérant qu’aux termes de l’article 42 alinéas 1 et 2 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, « Le Président de l’Assemblée nationale dirige les débats, donne la parole, met les questions aux voix, proclame les résultats des votes, fait observer le Règlement intérieur et maintient l’ordre.
Il peut à tout moment suspendre ou lever la séance » ;
qu’il en résulte que, même si en démocratie, le Parlement est et demeure le lieu par excellence du débat démocratique, débat nécessairement contradictoire, parfois viril, mais toujours courtois, et bien que cette activité soit susceptible d’être régulée par la Cour, le Président de l’Assemblée nationale dispose d’un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la direction des débats au sein de l’hémicycle ; que c’est dans la mise en œuvre de ce pouvoir que celui-ci a suspendu la déclaration du député Guy MITOKPE estimant qu’il aurait violé le règlement intérieur de l’Institution parlementaire ; que dès lors, il ne revient pas à la Cour de juger de l’opportunité de cette suspension ; qu’elle doit donc se déclarer incompétente de ce chef ;
Sur la demande d’annulation des délibérations de l’Assemblée nationale postérieures à l’inexécution de la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017.
Considérant qu’il ne ressort pas de la décision DCC 17- 262 de la Cour du 12 décembre 2017 que son exécution par l’Assemblée nationale conditionnait la validité des autres délibérations qui lui seraient postérieures ; que dans ces conditions, il n’y a pas lieu à donner suite à ce grief qui doit être rejeté ;
DECIDE :
Article 1er : Les députés présents à la séance parlementaire du 21 décembre 2017, à l’exception de l’honorable Nourénou ATCHADE, ont violé l’article 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution.
Article 2 : Le Président de l’Assemblée nationale a violé les articles 124 alinéas 2 et 3, 34 et 35 de la Constitution.
Article 3 : La commission des lois a violé les articles 124 alinéas 2, 3 et 35 de la Constitution.
Article 4 : La Cour est incompétente pour apprécier la gestion de la police des débats par le Président de l’Assemblée nationale.
Article 5 : La demande d’annulation des délibérations postérieures à l’inexécution de la décision DCC 17- 262 du 12 décembre 2017 est rejetée.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Messieurs Serge Roberto PRINCE AGBODJAN, Dognon Carlos Abdon TOGNON, Mahugnon Rock AKOHA, à Monsieur le Président de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le quinze mars deux mille dix-huit,
Messieurs Théodore HOLO Président
Zimé Yérima KORA-YAROU Vice-Président
Bernard Dossou DEGBOE Membre
Madame Marcelline C. GBEHA AFOUDA Membre
Monsieur Akibou IBRAHIM G. Membre
Madame Lamatou NASSIROU Membre
Les Rapporteurs
Bernard Dossou DEGBOE.-
Akibou IBRAHIM G.-
Professeur Théodore HOLO.-
Le Président,
Professeur Théodore HOLO.-