Le Bénin figure parmi les pays qui affichent les plus faibles niveaux de développement humain au monde, en référence à l’Indice de développement humain (Idh). Cette situation globale qui laisse présager de conditions de vie relativement délicates pour les populations béninoises, plus précisément du point de vue de la pauvreté extrême, est déterminée par plusieurs facteurs.
La pauvreté extrême est appréciée à travers deux indicateurs. L’indicateur de revenu avec le seuil de 1 dollar PPA2 (Parités de pouvoir d’achat) est retenu conformément aux normes internationales. Outre cet indicateur, les personnes appartenant au premier quintile de la distribution des dépenses de consommation sont également assimilées aux pauvres extrêmes. Le nombre de personnes disposant de moins d’un dollar par jour est estimé à 51,6% en 2007, contre 70,5% en 2006, soit une baisse de 19,1%. Malgré cet important recul, il demeure qu’en 2007, un peu plus de la moitié de la population béninoise appartient à la classe des pauvres extrêmes et est à dominance rurale. Par construction, l’ampleur de la pauvreté extrême en référence au premier quintile de la distribution des dépenses de consommation s’établit à 20%. Elle concerne également davantage le milieu rural que le milieu urbain.
Ampleur de la faim au Bénin
Selon le rapport sur l’Analyse globale de la vulnérabilité, de la sécurité alimentaire et de la nutrition (Agvsan), en 2008, les ménages en sécurité alimentaire représentent 12%, soit 972 000 personnes au plan national. Par ailleurs, 1 048 000 individus sont considérés à risque d’insécurité alimentaire, soit 13,2% de la population. La proportion des personnes estimées en insécurité alimentaire soit 13% en milieu rural (710 000), est deux fois plus importante que celle des villes (262 000). De façon spécifique, les résultats de l’Agvsan montrent que les départements du Mono, de l’Atacora, du Couffo et de la Donga sont au premier rang en terme d’insécurité alimentaire. En effet, ils cumulent à eux seuls, près de 60% des ménages en insécurité alimentaire au plan national. En outre, ils montrent que la malnutrition aiguë touche autant les enfants vivant en milieu urbain que ceux vivant en milieu rural. Par contre le milieu rural est significativement plus touché par la malnutrition chronique que le milieu urbain, 40,4% des enfants de 6 à 59 mois vivant en milieu rural soufrent de la malnutrition chronique. Les ménages qui ont une forte propension à l’insécurité alimentaire sont ceux dirigés par une femme et le chef a plus de 60ans. Dans ces ménages, le chef dispose d’un faible niveau d’instruction. C’est aussi des ménages dont la proportion d’aliments consommés issus de la propre production ou des aides et des dons est plus importante. En outre, 99% des femmes présentent un déficit énergétique chronique. Des déférences interdépartementales existent et les femmes vivant en milieu rural sont plus touchées par cette forme de malnutrition. D’autre part, l’obésité touche 7% de femmes de 15 à 49 ans au niveau national, et est plus marquée en milieu urbain (11,5%). Selon cette étude, les causes de l’insécurité alimentaire au Bénin sont entre autres, le faible niveau d’indice de richesse, le milieu de résidence du ménage, l’appartenance à certains groupes de moyen de subsistance (les aides, dons, les transferts d’argent et de crédit, les sans activités spécifiées, les dépendants de l’agriculture vivrière) et le faible niveau des revenus et dépenses mensuels par tête de ménage. Parallèlement, à l’Avgsan, en considérant la distribution des dépenses de consommation alimentaire (Emicov, 2006 et 2007), il en ressort que 26,5% de la population souffre de la faim en 2007 contre 23,1% en 2006. Ainsi, le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 3,4 points entre 2006 et 2007. Cette tendance à la hausse pourrait également s’expliquer par les effets de la crise alimentaire survenue en 2007.
Déterminants de la pauvreté au Bénin
Les analyses qui précèdent ont fourni un profil plus ou moins complet de la pauvreté au Bénin. La pauvreté monétaire a été examinée à travers la consommation en retenant un seuil national. La pauvreté non monétaire a également été étudiée à travers les conditions de vie et le niveau de patrimoine du ménage. Ces différentes approches ont permis de déterminer le noyau dur de la pauvreté au Bénin. Les ménages qui constituent ce noyau dur forment à maints égards, un groupe extrêmement pauvre. En complément et pour tenir compte des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd), l’étude de l’extrême pauvreté a été élargie en considérant la pauvreté monétaire extrême en termes de revenu à partir du seuil international de 1 dollar Ppa par jour et la faim. Les différents résultats obtenus on fait l’objet d’un croisement avec les caractéristiques socioéconomiques et sociodémographiques des ménages. Cela a permis de mettre en évidence, les corrélations de la pauvreté monétaire, du noyau dur et de la pauvreté extrême.
Déterminants selon l’approche monétaire
Toutes choses égales par ailleurs, le niveau d’instruction n’apparait pas comme étant un facteur important dans l’explication de l’état de pauvreté monétaire en 2007. En effet, les ménages dirigés par des personnes ayant au moins le niveau primaire ne sont pas plus atteints par la pauvreté que les autres ménages. Par contre, la probabilité de subir cette forme de pauvreté augmente avec la résidence en milieu urbain et la taille du ménage. Les ménages dirigés par les hommes ont moins de chance de tomber dans cette forme de pauvreté comparativement à ceux dirigés par les femmes.
Déterminants selon l’approche des conditions de vie
La probabilité de subir la pauvreté selon l’approche des conditions de vie des ménages est très forte chez les ménages dont les chefs sont sans instruction ou qui ont un niveau d’instruction inférieur au niveau « universitaire ». Contrairement à la pauvreté monétaire, les ménages dirigés par les femmes ont plus de chance d’échapper à cette forme de pauvreté. Par ailleurs, la probabilité de subir cette forme de pauvreté augmente avec la résidence en milieu urbain, avec le statut socioprofessionnel (compte propre), et l’appartenance aux six premiers déciles de la distribution des dépenses de consommation courantes.
Déterminants selon l’approche en termes d’actifs
La probabilité d’appartenir à la classe des ménages où sévit cette forme de pauvreté diminue selon que le chef de ménage est un homme. Elle augmente avec la résidence en milieu rural, le niveau d’instruction (aucun, primaire et secondaire), avec le statut socioprofessionnel (manœuvre), la branche d’activité (agriculture, élevage et pêche ; commerce et restauration), la classe d’âge (moins de 25ans ; 60ans et plus) et l’appartenance aux six premiers déciles de la distribution des dépenses de consommation courantes.
Déterminants du noyau dur
La probabilité de subir l’extrême pauvreté est très forte chez les ménages dont les chefs sont sans instruction, résidant en milieu urbain. Elle augmente avec la classe d’âge (25 à 35 ans) et l’appartenance aux cinq premiers déciles de la distribution des dépenses de consommation courantes.
De ce qui précède, il ressort que les caractéristiques internes des individus ont bel et bien une influence sur l’état de pauvreté des ménages. Si ces caractéristiques influencent diversement les différentes formes de pauvreté, il convient de noter que les variables telles que le niveau d’instruction, la taille du ménage et la branche d’activité du chef de ménage sont significativement liées à l’état de bien-être du ménage vu sous toutes les formes de pauvreté.
Thomas AZANMASSO