Sous la Rupture, quelle crédibilité donner encore à la parole gouvernementale ? C’est une préoccupation majeure autant les propos qu’on a tenus au sommet de l’Etat, ces 14 derniers mois sont en porte à faux avec la réalité. Le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Joseph Djogbénou n’est pas à exclure du lot de ceux qui servent à l’opinion ce qu’il convient d’appeler ‘’mensonge d’Etat’’.
Au-delà du fait que les engagements pris vis-à-vis du peuple au nom de la Rupture et du Nouveau départ contrastent avec ce qui se vit aujourd’hui, le gouvernement de Patrice Talon excelle dans l’art de mentir sur des dossiers de la République. Tel ministre vient dire ci, et demain on constate tout le contraire. Nous n’allons pas refaire ici le débat sur ‘’la révision sera effective avant la fin de l’année (2016), ‘’le mois de mars sera le mois de la révision’’ même si le projet de la nouvelle constitution a été envoyé en mars au Parlement avec tout le tollé que cela a suscité. Inutile aussi de polémiquer sur le ferme engagement pris de mobiliser 2010 milliards de FCfa, un montant pharaonique, pour le compte du budget général de l’Etat, exercice 2016. Et que dire des mensonges distillés dans l’opinion par des ministres de la République, quand le chef de l’Etat était hors du territoire pour raison de santé ? L’autre mensonge ou parole non respectée, c’est au sujet de la non publication, entre temps, des résultats des audits. Harcelé de toutes parts par une certaine presseet des organisations de la société civile, le gouvernement par la bouche de son Garde des Sceaux avait dit niet ! Pas question de rendre publics les résultats de ces audits dans les médias. L’argument avancé dans un passé récent par l’avocat Djogbénou, est que le régime du Nouveau départ a fait l’option de s’adresser directement à la justice. Il n’est donc pas nécessaire, selon le ministre, de publier des résultats d’audits dans la presse, à la demande de l’opinion publique et exposer des présumés coupables pour des charges dont ils ne sont peut-être pas les vrais auteurs. La présomption d’innocence doit être respectée donc. En clair, selon Djogbénou, seule la justice établit la culpabilité. Il ne serait donc pas bienséant pour un gouvernement attaché à la lutte contre l’impunité, de saisir le Procureur de la République sur un dossier dont les résultats d’audit se retrouvent déjà dans la presse. Parole d’évangile pourrait-on croire a priori. Malheureusement, avec le conseil des ministres du mercredi 28 juin 2017, il est aisé de constater que ces propos n’étaient que politiques et circonstanciels. Et pour cause. Au cours de ce conclave gouvernemental, toute un chapitre sur un supposé audit sur la gestion du coton au cours de la période 2013-2015. Les résultats abondamment relayés par la presse avec des mis en cause traités comme des coupables, révèlent un manque à gagner de 125 milliards de FCfa. Mais qu’est-ce qui n’a pas tourné rond entre temps ? Quelle mouche a piqué le gouvernement pour un revirement aussi brusque et brutal ? Autrement, pourquoi la parole du chef qui relève du sacré, a été soudainement remise en cause ? Quelle bonne foi accordée désormais à un gouvernement qui dit et se dédit ? Des résultats d’audits dans la presse,suivis d’un lynchage médiatique avant d’avoir saisi le Procureur de la République, le gouvernement laisse ainsi la porte ouverte aux commentaires qui parlent d’audit ciblé et politique contre X. D’aucuns estiment que le gouvernement se sert des audits comme instrument de chantage contre ceux qui s’opposent à sa vision. Ce qui pourrait le dédouaner, c’est la célérité qu’il mettra à publier dans les mêmes formes les résultats des audits sur les scandales phares connus et qui ont permis à Patrice Talon de gagner la présidentielle. Entre autres, les scandales du chantier de l’Assemblée nationale, de la Centrale électrique de Maria Gléta, des machines agricoles, du Programme de vérification des importations remis en cause sous Yayi Boni… Patrice Talon et les siens sont donc attendus pour lever tout doute sur leur engagement à lutter contre l’impunité.
Worou BORO