Vers un contentieux administratif dont l’issue reste incertaine pour les deux parties* *(Barnabé Dassigli rejette le recours administratif préalable de Léhady Soglo sur la suspension pendant que le Président de la République reste silencieux sur celui de la révocation. Isidore Gnonlonfoun, un maire intérimaire illégal ?)*
Avec la notification du décret de révocation du maire de Cotonou et la lettre de rejet explicite du recours administratif préalable de Léhady Soglo, ce dossier rentre dans une nouvelle phase complexe et délicate pour les deux parties.
Franck S. KINNINVO du journal Le Municipal
Le bras de fer entre Léhady Soglo et le gouvernement de la rupture se rapproche de plus en plus du juge administratif. Visiblement, Léhady Soglo tente deux procédures parallèles. L’une contre le ministre Barnabé Dassigli, auteur de la suspension qui en principe est devenue sans cause dès lors que le Chef de l’Etat en Conseil des Ministres est passé à une dimension supérieure et l’autre contre la révocation du maire. Il est vrai que l’article 54 de la loi 97-029 dispose ainsi qu’il suit : Le maire ou l’adjoint qui commet une faute lourde peut être révoqué de ses fonctions. La faute lourde est constatée par l’autorité de tutelle qui après avis du conseil départemental de concertation et de coordination, créé par l’article 16 de la loi 97-028 portant organisation de 1’administration territoriale en République du Bénin, en dresse rapport au ministre chargé de l’administration territoriale. Celui-ci peut prononcer la suspension du maire ou de l’adjoint et proposer le cas échéant la révocation au conseil des ministres. En clair, Léhady Soglo reste suspendu et révoqué quand bien même le délai de suspension est désormais terminé.
Le rejet explicite du premier recours gracieux de Léhady Soglo.
Sans surprise, le ministre de la décentralisation a rejeté le recours administratif préalable de Léhady Soglo lui demandant de revenir sur son arrêté de suspension. Par courrier n°092/MDGL/SP-C adressé à Maître Alfred Bocovo, avocat de Léhady Soglo, le Ministre béninois de la décentralisation et de la gouvernance locale, Barnabé Dassigli a rejeté le recours gracieux de Léhady Soglo. Ce qui est plus encourageant, c’est la forme explicite de cette décision. Habituellement, les gouvernants se murent dans un silence que la loi qualifie de rejet implicite. La voie est donc ouverte pour Léhady Soglo et son conseil pour saisir la chambre administrative du Tribunal de Première instance de Cotonou afin que la justice puisse jeter son regard sur la procédure menée par le préfet Toboula. En réalité, le point critique de ce contentieux reste et demeure le respect du principe du contradictoire. Léhady Soglo pouvait-il à la fois répondre oralement et ensuite demander de compléter ses réponses par écrit ? Le préfet a-t-il raison d’interpréter la loi comme proposant une des deux options au maire ? Comment devrait fonctionner le Conseil départemental de Concertation et de Coordination lorsqu’il est siège comme un conseil de discipline ? Voilà les problèmes de droits qui seront au menu des joutes entre les deux parties. Sur ces différents points voici ce que dit la loi, notamment l’article 56 : « La suspension prévue à l’article 54 ci-dessus a lieu par arrêté du ministre chargé de l’administration territoriale et la révocation par décret pris en conseil des ministres. Toute suspension d’un maire ou d’un adjoint doit être précédée d’une audition de l’intéressé par le conseil départemental de concertation et de coordination visé à l’article 54 ci-dessus ou d’une invitation à fournir des explications par écrit audit conseil ».Toutefois, il convient de préciser que telle que la procédure est libellée, la qualité des réponses du maire n’a pas forcément d’incidence sur la suite du processus. Il en est de même pour les délibérations des membres du Conseil. La loi semble confiner les réponses du maire et la contribution des membres du conseil départemental dans une formalité sans prise sur la suite de la procédure. Ce qui, toutefois n’annule pas les principes de droit qui s’appliquent même en l’absence d’une inscription formelle dans la loi. Mais en attendant la justice administrative réputée pour sa lenteur, même en cas de procédure d’urgence, Léhady Soglo entend déférer les actes du préfet et du ministre de la décentralisation devant la cour constitutionnelle.
*Les mêmes problèmes de droit au menu de la procédure constitutionnelle*
Selon l’avocat conseil de Léhady Soglo, la cause de l’ancien maire sera également portée devant le juge constitutionnel. A ce niveau il sera également question du droit à une défense juste et équitable conformément à l’article 17 de la constitution« Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées » et à l’article 7 de la charte africaine des droits de l’homme et de la personne humaine : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ; le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix… ».
*Les risques de précocité du recours administratif préalable*
Selon les réseaux sociaux et les dires de son avocat conseil, Léhady Soglo a formé un recours gracieux devant le Président de la République sur la base du compte rendu du conseil des ministres, se fondant sur la théorie de la connaissance acquise. Ce qui pourrait susciter des débats de recevabilité surtout si la date du décret est postérieure au recours gracieux. Le décret est aujourd’hui disponible à la mairie de Cotonou et donc à la portée du maire Léhady Soglo, pourquoi ne pas en tenir compte.
Par ailleurs, le recours gracieux relatif à la suspension paraît inopportun lorsqu’on sait que dès lors que le Président de la République en Conseil des Ministres révoque le maire, sa suspension tombe. Dans sa réponse, le Ministre de la décentralisation l’a bien indiqué : « Cette décision du conseil des Ministres de révoquer le Maire Léhady Soglo étant supérieure, suivant la hiérarchie des normes, à l’arrêté portant suspension du maire, je suis au regret de ne pouvoir accorder une suite favorable à votre requête », peut-on lire dans le courrier du Ministre de la Décentralisation.
Dans tous les cas, l’expérience du conseil du maire révoquée n’est plus à démontrer et il sait de quoi il parle en matière de contentieux administratif. Seulement il faut savoir qu’en contentieux administratif, la raison ne suffit pas pour avoir gain de cause, le respect des procédures compte énormément.
*Le maire intérimaire de Cotonou dans l’illégalité depuis le 28 septembre 2017.*
L’intérim du maire de Cotonou a été déterminé par l’arrêté de suspension du maire Léhady Soglo. Or, le 02 août 2017, le Conseil des Ministre a prononcé la révocation du maire. Cette sanction administrative ne fait pas qu’entériner la suspension du maire, elle est une autre sanction qui met un terme au délai de deux mois de suspension. En principe, le ministre de la décentralisation devrait prendre un autre arrêté pour désigner le maire intérimaire. Il peut ne pas le faire jusqu’à la fin du délai de suspension. Mais au-delà, il est bien obligé. A la date d’aujourd’hui, le Premier adjoint n’est plus maire par intérim. Seulement il n’a pas trop à s’en inquiéter. Dans tous les cas, l’intérim lui revient de droit.