Dans ce communiqué de presse, le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature rend compte du bilan de ses quatre sessions tenues entre février et juin 2018 ; sessions…

Justice burkinabè : Le Conseil de discipline fait le bilan de ses quatre sessions où plusieurs magistrats ont été sanctionnés

Justice burkinabè : Le Conseil de discipline fait le bilan de ses quatre sessions où plusieurs magistrats ont été sanctionnés

Dans ce communiqué de presse, le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature rend compte du bilan de ses quatre sessions tenues entre février et juin 2018 ; sessions qui ont abouti à la sanction de plusieurs magistrats pour manquements à l’éthique et à la déontologie.

Le Conseil de discipline des magistrats a l’honneur d’informer l’opinion publique nationale, internationale et le peuple burkinabè au nom duquel la justice est rendue en général, les acteurs du monde judiciaire en particulier qu’il a tenu quatre sessions au cours de l’année 2018 successivement du 19 au 24 février, du 26 au 31 mars, du 14 au 19 mai 2018, poursuivie le 21 mai et du 4 au 9 juin 2018.

En rappel, le 28 juillet 2016, le Conseil supérieur de la Magistrature, après un débat et un vote accrédité par un « Oui » à la majorité absolue des membres présents et votants a, par délibération, décidé de la création d’une commission d’enquête chargée d’investiguer sur les allégations de manquements à l’éthique et à la déontologie par certains magistrats.

De cette délibération, contenue dans le rapport des travaux de la première session ordinaire du conseil supérieur de la magistrature de l’année 2016 tenue le 28 juillet 2016, il ressort qu’il était demandé expressément à ladite commission de mener des investigations sur trois magistrats nommément cités, d’investiguer sur le cas de la Cour de cassation dans le dossier dit des mandats d’arrêt, sur les dossiers qui ont défrayé la presse et enfin, de faire le point des dossiers pendants à l’Inspection Technique du Ministère de la justice.

Pour des considérations d’ordre logistique, financier et matériel, le CSM, après avoir échangé entre un arrêté du ministre de la Justice des Droits humains et de la Promotion civique, comme cela se faisait jusqu’alors pour les comités et commissions mis en place par le Conseil supérieur de la Magistrature ou une décision de la Présidente, a décidé de donner quitus à la Présidente pour signer une décision de formalisation de la mise en place de la commission. Ainsi vu, la Présidente avait un pouvoir lié, la décision matérielle de mise en place ayant été prise par délibération du Conseil supérieur de la Magistrature. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, lorsque des hésitations ont été constatées dans la démarche de la Présidente, la question a été évoquée lors de la rencontre annuelle entre le Président du Faso, Garant de l’indépendance de la justice et le CSM qui l’assiste dans cette fonction, le 10 novembre 2016.

Le Président du Faso, montrant son attachement à la lutte contre les atteintes à la déontologie, enjoignait ainsi la Présidente de procéder à la formalisation de la décision de mise en place de la Commission.

Opérationnalisée, la commission d’enquête a mené ses travaux, déposé son rapport le 7 juillet 2017, lequel a été transmis au Ministre de la justice. Le 24 octobre 2017, le Ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique, Garde des Sceaux transmettait ledit rapport à la Présidente du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Présidente du Conseil de discipline pour suite à donner.

Le 22 décembre 2017, le Conseil supérieur de la Magistrature, sous la Présidence Souleymane COULIBALY, vice-président dudit Conseil, tenait une session préparatoire au cours de laquelle les grandes orientations de la tenue des sessions du Conseil de discipline ont été données au Secrétariat permanent. À cette même occasion, au regard de la nature du CSM et de celle des travaux menés par la commission d’enquête, il a été décidé que ses membres ont le droit de participer aux travaux à proprement parler du Conseil de discipline.

Durant quatre sessions, le conseil a examiné les dossiers impliquant les trente-quatre (34) magistrats contre qui pesaient des présomptions graves de violation des règles d’éthique et de déontologie ayant jeté le discrédit sur l’institution judiciaire.

Au cours de ses travaux, plusieurs catégories de préalables ont été soumises au conseil. Le Conseil de discipline a toujours répondu à toutes ces préoccupations en ayant pour boussole la loi et ce, avant toute poursuite de ses travaux. Ainsi, il lui est arrivé de demander à des comparants de se retirer pour lui permettre de délibérer sur l’une ou l’autre de ces questions préalables à lui soumises.

Ainsi, les points suivants ont été soulevés et ont été traités :

-  de l’incompétence du Conseil de discipline :

Il a été opposé au conseil de discipline son incompétence pour impossibilité juridique de statuer et devoir de réserve. Examinant cette exception, le conseil l’a rejeté et s’est déclaré compétent en soutenant que le moyen tel qu’invoqué ne vaut que lorsque les faits reprochés au comparant font également l’objet de poursuites pénales. Or, dans aucun dossier dont le Conseil de discipline a été saisi il n’a été nullement fait la preuve que des faits font l’objet de poursuites pénales.

– de l’irrégularité de sa saisine

Plus d’un comparant a soulevé l’irrégularité de la saisine du Conseil de discipline tenant au fait que le ministre de la justice a adressé sa correspondance en date du 23 octobre 2017 à la Présidente du Conseil Supérieur de la Magistrature et non à la Présidente du Conseil de Discipline. Le Conseil, en réponse à cette exception, s’est déclaré régulièrement saisi en tirant motif de l’objet de la correspondance et en faisant une analyse sur la pratique administrative en matière de destinataires des correspondances. En effet, la lettre a pour objet, transmission du rapport de la commission d’enquête pour saisine du Conseil de discipline.

– des demandes de sursis à statuer pour saisine du Conseil constitutionnel,

Conseil d’Etat et pour plainte contre les membres de la commission auprès du Procureur du Faso
Plusieurs comparants ont sollicité le sursis à statuer sur leur dossier, moyen tiré de l’introduction de procédures en sursis à exécution et en annulation d’actes du CSM auprès du Conseil d’Etat et de procédures en inconstitutionnalité des lois sur la magistrature auprès du Conseil constitutionnel. Sur le premier volet, la preuve du dépôt de la requête au Conseil constitutionnel ayant été rapportée au Conseil de discipline, celui-ci a, en application de l’article 157 de la Constitution et de l’article 25 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel, ordonné le sursis à statuer dans les dossiers concernant tous les mis en cause qui avaient saisi effectivement le Conseil constitutionnel. Leurs dossiers n’ont été programmés ou reprogrammés qu’après l’intervention des décisions du Conseil constitutionnel rejetant les recours en inconstitutionnalité.

Sur le deuxième volet, le Conseil de discipline a relevé qu’aucune disposition n’impose le sursis à statuer lorsque le Conseil d’Etat est saisi en annulation d’actes administratifs. Le sursis à statuer n’étant pas de droit et exerçant son pouvoir d’appréciation de la pertinence d’un sursis à statuer dans ce cas, a rejeté les demandes. Le Conseil de discipline considère en effet que les recours au juge administratif n’étant pas suspensifs de la décision administrative, les procédures pendantes devant le Conseil d’Etat ne l’empêchaient pas juridiquement de poursuivre ses travaux ;

– des demandes de renvoi

Des magistrats mis en cause ont formulé des demandes de renvoi pour leur présence effective ou pour organiser leur défense. Dans les deux cas, le Conseil de discipline a répondu favorablement en renvoyant aux dates demandées ou à la session suivante pour production d’un rapport. Le Conseil a également procédé à un renvoi d’office dans quatre dossiers dont trois compte tenu de leur connexité et un pour renseignement complémentaire ;

– sur la décision du Conseil d’Etat ordonnant le sursis à exécution de la décision

de la Présidente formalisant la mise en place de la Commission d’enquête
Le 11 mai 2018, le Conseil d’Etat ordonnait par n°060, le sursis à exécution de la décision n°002 du 22 novembre 2016 de la Présidente du Conseil supérieur de la magistrature, ayant rendu fonctionnelle la Commission d’enquête. Le Conseil de discipline a pris acte dudit arrêt et a cependant constaté qu’il concerne une décision qui a fini de produire ses effets, la Commission d’enquête ayant fini ses travaux depuis juillet 2017. En l’absence d’incidence de cet arrêt sur la tenue de ses sessions en cours, le Conseil de discipline a décidé par conséquent, de poursuivre ses travaux ;

– des requêtes en récusation de membres du Conseil de discipline

Plusieurs requêtes ont été adressées au Conseil de discipline pour solliciter la récusation de tous membres du Conseil de discipline, des membres de la commission d’enquête ainsi que des trois représentants des syndicats. Le Conseil de discipline s’est déclaré incompétent pour statuer sur les requêtes en récusation de ses membres.

Ainsi, lorsque Madame TRAORE/SANOU Thérèse, Présidente du CSM, sur requête de certains magistrats mis en cause, a rendu la décision de récusation de Monsieur COULIBALY Souleymane, pour traitement peu diligent d’une procédure devant le Conseil d’Etat, Messieurs COMPAORÉ Christophe, TRAORÉ Moriba, et KABORÉ S. Antoine pour prise de position publique à la suite de la publication du rapport de la Commission d’enquête et des écrits de certains magistrats mis en cause, et de Messieurs KONDÉ Mazobé Jean, , RAPADEMNABA B. Sébastien et GNANOU Karfa pour avoir été membres de la commission d’enquête le Conseil de discipline a, rapporté la décision de celle-ci.,.

En effet, le conseil de discipline est un organe délibérant auquel appartient la Présidente, laquelle n’a aucun pouvoir propre en la matière. Il ne s’est donc pas agi de rapporter une décision de la Présidente de la Cour de cassation, prise en cette qualité. Au demeurant, le fait que Madame TRAORE/SANOU Thérèse soit elle-même mise en cause, commandait qu’elle ne prenne aucune mesure à quelque titre que ce soit par rapport aux travaux en cours du Conseil de discipline ;

– de la lettre du Président du Faso

Le 31 mai 2018, la Présidente du Conseil supérieur de la magistrature transmettait à la Secrétaire Permanente du Conseil supérieur de la Magistrature une lettre du Président du Faso, garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire pour suite à donner. Le 4 juin 2018, la Secrétaire permanente tenait le Conseil informé du contenu de la lettre.
En effet, le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire félicitait le CSM pour les initiatives en cours mais s’inquiétait de ce qu’il a qualifié de « voie de fait et d’illégalité » que le Conseil de discipline aurait commises, notamment par le sort réservé aux décisions de la Présidente récusant certains de ses membres et à l’arrêt de sursis à exécution du Conseil d’Etat. Il concluait en invitant le Conseil de discipline « à prendre toutes les dispositions utiles pour que tous les actes posés le soient dans la légalité républicaine et suivant les règles de procédures administrative et judiciaire ».
Au regard des éléments de la correspondance, il est évident, qu’il n’a jamais été question de suspension des travaux du Conseil de discipline à la demande du Président du Faso. D’où vient donc l’idée que le Conseil de Discipline a désavoué le Président du Faso ?

– des lettres de Madame TRAORE/SANOU Thérèse, Présidente du Conseil supérieur de la magistrature :

Prenant prétexte de la lettre du Président du Faso, la Présidente du CSM a adressé au total deux lettres à la Secrétaire Permanente du Conseil supérieur de la magistrature et une lettre au Président du Conseil de discipline des magistrats entre le 31 mai et le 5 juin 2018. La lettre du 31 mai 2018 transmettait la correspondance du Président du Faso. Celle du 4 juin 2018 demandait à la Secrétaire Permanente de reporter la session. Et celle du 5 mai 2018 demandait au Conseil de discipline de prendre toutes les dispositions utiles à l’effet de surseoir à la tenue de la session ;

– Du refus de comparaitre de Madame TRAORE/SANOU Thérèse, présidente de la Cour de cassation et de Monsieur OUEDRAOGO Armand, procureur général près ladite Cour et

Le 8 juin 2018, une lettre signée de Maître KEITA Mamadou et de Maître OUATTARA Fako Bruno, conseils de ces magistrats mis en cause, informait le Conseil de discipline de l’impossibilité pour leurs clients de comparaitre pour des raisons liées aux suites réservées aux demandes de report et de suspension de la session. Le Conseil, après délibération a constaté que les motifs invoqués ne sont pas légitimes et a donc décidé de retenir leurs dossiers et de statuer par réputé contradictoire conformément à l’article 39 de la loi 049-2015/CNT du 25 août 2015.

Au total trente-deux (32) des trente-quatre (34) magistrats mis en cause ont comparu. Pour leur défense, les mis en cause ont comparu seuls ou assistés d’avocats ou de leurs collègues magistrats., Aussi, ont-ils été admis à citer des témoins de leur choix ou encore à produire toutes pièces utiles.

Examinant les dossiers inscrits à son ordre du jour, le Conseil de discipline a, à l’issue de l’ensemble de ses délibérations, pris les décisions suivantes :
-  le renvoi du dossier d’un (01) magistrat pour renseignements complémentaires
-  la mise hors de cause de quinze (15) magistrats pour absence de faute disciplinaire ;
-  le blâme contre deux (02) magistrats ;
-  l’abaissement d’un échelon contre cinq (05) magistrats ;
-  l’abaissement de deux (2) échelons contre deux (02) magistrats ;
-  la rétrogradation d’un grade contre trois (03) magistrats ;
-  la rétrogradation de deux grades contre trois (03) magistrats ;
-  la mise à la retraite d’office contre deux (02) magistrats ;
-  la révocation contre un (01) magistrat.

Le Conseil de discipline informe l’opinion que conformément à l’article 41 de la loi 049-2015/CNT et 146 de la loi n°050-2015/CNT, ses décisions sont susceptibles de recours contentieux devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil de discipline note que ses travaux ont été jalonnés de difficultés notamment le non financement de la dernière session, consécutif au refus du report, puis de la suspension sollicités par la Présidente du CSM. Pourtant, ladite session a été régulièrement convoquée par monsieur COULIBALY Souleymane, Président du Conseil de discipline pour se tenir du 04 au 09 juin 2018.

Le Conseil de discipline note également qu’au cours de ses travaux, plusieurs publications dans la presse ont tenté de jeter le discrédit sur ses travaux. Il déplore que des magistrats, s’étalent dans la presse et sur les réseaux sociaux avec des commentaires et prises de position. Le Conseil de discipline informe que les différents écrits seront examinés dans leur principe et dans leur contenu pour toute suite adéquate à leur donner.

Le Conseil de discipline reste convaincu que ses décisions ont été prises sans esprit de vengeance, sans corporatisme et sans esprit de règlement de compte syndical, en témoignent les multiples décisions de mise hors de cause concernant des magistrats de tout bord, les résultats des votes lors des délibérations sur la caractérisation des faits reprochés aux magistrats mis en cause, et le cas échéant la sanction disciplinaire prononcée. Les préjugés tendant à dire que la procédure est conduite pour régler des comptes, que les décisions sont connues d’avance ont été démentis par l’ambiance globale de travail, le résultat des votes et les décisions rendues.

En définitive, il ne s’est pas agi d’une guéguerre entre magistrats mais de la mise en œuvre d’un engagement collectif pris depuis l’adoption du Pacte national pour le renouveau de la justice adopté lors des états généraux de la justice, tenus du 24 au 28 mars 2015 dont l’une des recommandations fortes était l’assainissement du milieu judiciaire.

Fait à Ouagadougou, le 9 juin 2018

P/Le Conseil de discipline

BARRY Abdoulaye
Officier de l’Ordre national